vendredi 10 avril 2015

La pratique du mouvement régénérateur peut nous intéresser en tant qu'artiste.

Le non faire et L'art ?


Le premier jaillissement de la créativité est spontanéité, au delà de la technique, ce courant de la vie s'exprime sous toutes les formes. 
L'art, la création, s'illustrent spontanément...Que ce soit le chant, la danse, l'image ou la poésie, qui semble le grand art tant il semble relié à la vie. Se plait t'on dans la contemplation d'un tableau dénué de poésie ? On peut s'extasier devant les prouesses techniques d'un danseur ou la virtuosité d'un musicien, que reste t'il sans la simplicité de la  poésie ? 

Il fut un temps où les artistes étaient anonymes, leur oeuvre ne leur appartenant pas, ainsi elle se fondait aisément dans le collectif. L'on retrouve cet aspect aussi avec les jeux de carte, comme le Tarot de Marseille ou le Yi King, le livre des changements, qui sont anonymes.

Aujourd'hui les artistes sont souvent enclins à laisser des preuves . L'art semble envahit de personnalité. Un artiste accomplit tel que Picasso cherchait pourtant à "dessiner comme un enfant".

Dans la danse Butô à l'origine, on recherche un "corps anonyme", "de marionnette", "de poupée", "danser avec son cadavre", "arrêter l'espace temps", "body on the edge"... Un second souffle où le danseur a cessé de danser volontairement. Le corps est préparé physiquement à accueillir cette force du Ki dansant. Le danseur ne part plus d'une technique acquise qu'il déploie ensuite sur la scène, mais il est le lieu du jaillissement du courant de la vie, sans volonté.
Le non faire est impersonnel, anonyme.
Un point commun aux oeuvres qui nous transportent, nous inspirent ou font naître en nous un sentiment de plénitude, d'accord profond, c'est leur dimension impersonnelle.
L'art sacré relève de cette "impersonnalité". Ainsi la poésie Soufie, les Haikus Japonais où la calligraphie, au de là de la compréhension, semblent universels et peuvent toucher le coeur de tous.
Que dire de l'art tribal ou des peintures rupestres, laissées comme quelques traces sur les murs des cavernes, ne nous transportent ils pas au delà de l'espace et du temps ? Et pourtant quelle simplicité ! Ce qui nous saisit c'est ce "non faire", cet anonymat, qui leur confère une universalité.

C'est alors le même courant de la vie, quel que soit son nom, Ki, Pneuma , Roua'h, Prana... qui s'exprime dans la spontanéité.


Ici un texte illustrant ce propos :


L'artiste de Butô Japonais Akira Kasai, parle de la danseuse Isadora Duncan.


"Isadora Duncan n'avait pas besoin de construire une image pour danser, pas besoin de faire l'image, de projeter une image dans son corps, sa propre vitesse intérieure était trop rapide pour passer par ce processus, si l'on fait intervenir l'image le mouvement fait un détour ; la seule chose nécessaire à sa danse est l'inspiration divine et il n'y a plus de place pour une image qui est une chose lourde et lente. L'inspiration divine lui est directement donnée par les dieux de la musique.
Elle plonge comme une prieuse plonge dans la prière, car pour elle la musique elle même est la révélation divine.
Aussitôt qu'elle plonge dans la musique, le centre de son être est allumé et elle peut danser n'importe quelle musique sans aucune difficulté technique, elle connaît à chaque instant le moment exact de cet allumage, elle devient elle même cette révélation."
      
                                                    
                                                 

Maintenant si on laisse s'exprimer la muse elle même , ici Isadora Duncan dans La danse de l'avenir, nous parle au fond de la liberté du mouvement de la vie :


"Si nous recherchons la vraie source de la danse, si nous nous tournons vers la nature, nous constaterons que l'avenir de la danse réside dans son passé - une danse qui fut et restera éternelle.
Le mouvement des vagues des vents ou de la terre possède toujours la même harmonie.
Sur la plage, nous ne nous interrogeons pas sur ce qu'était le mouvement de l'océan par le passé, ni sur ce qu'il sera dans le futur. Nous réalisons que le mouvement particulier à sa nature est éternel. Le mouvement des animaux sauvages et des oiseaux reste toujours en accord avec leur nature, avec les nécessites et les exigences de cette nature, en correspondance avec la nature terrestre.
C'est seulement lorsqu'on impose aux animaux sauvages des restrictions artificielles qu'ils perdent la faculté de se mouvoir harmonieusement et adoptent un mouvement contrarié par ces restrictions. (...)Travailler en désaccord avec la forme et le mouvement de la nature, s'efforcer - vainement - de lutter contre la loi de la pesanteur ou contre la prédisposition naturelle de l'individu, produit des mouvements stériles, incapables d'engendrer d'autres mouvements et qui au contraire meurent aussitôt qu'ils ont été accomplis (...)"